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Politica
25 novembre 2020

Risques sur la liberté d’expression en France, enjeux d’information et de liberté d’expression.

« Nous ferons tout pour protéger la liberté d’expression. » Tels étaient les propos du Président de la République Emmanuel Macron après la décapitation de Samuel Paty. Le problème est qu’une partie importante de sa politique passée et présente est contradictoire avec cette belle affirmation. Car si la cinquième République est déjà une République très verticale et très centralisée, Emmanuel Macron, par son manque d’ancrage local et les circonstances exceptionnelles de son élection a du créer un parti à partir de rien. Le côté libéral de son projet politique cachait peu son aspect autoritaire. Surtout, cet isolement lui empêchait d’écouter toute autre parole que la sienne. Et il l’a dit clairement et en ces termes : « Je n’aime pas les journalistes ». Contrairement à son prédécesseur, qui avait d’autres défauts, sa parole ne pouvait être influée par son groupe parlementaire, qui était issu de son élection.

Le problème est que cela s’est traduit au niveau législatif et dans la gestion des mouvements sociaux. Le premier mouvement visant à limiter la liberté d’expression des journalistes se situe dans le cadre de la loi dites de protection du secret des affaires. Cette loi a été dénoncée par plusieurs journaux, particulièrement ceux indépendants. Le projet, présenté comme un texte de loi contre l’espionnage industriel a une autre face. La possibilité d’attaquer un journal pour avoir diffusé des informations sensibles, particulièrement dans le secteur des artifices comptables. Le risque de procédures dites baillons est une possibilité concrète.

À partir d’octobre 2018 a commencé le mouvement des gilets jaunes. Les problématiques, comme la fiscalité carbone et la disparition des services publics de proximité sont à l’origine de cette prise d’assaut des ronds-point. Après une phase de déni de l’ampleur du mouvement et de la profondeur de la colère, la réponse policière fut d’abord privilégiée. La police, encouragée par des ordres plutôt permissifs quand à l’intensité de la réponse à donner aux manifestant, se laissa aller à une réplique plus que musclée. Plusieurs cas de mutilations ont eu lieu, éborgnements, pertes de mains ou de pieds. La présence de troupes non spécialistes explique en partie ceci, mais la large tolérance et la lenteur des réactions des pouvoirs publics laisse rêveur. Contrairement à un certain nombre de gilets jaunes, à ma connaissance, aucun des policiers ayant abouti à ces mutilations n’a été jugé. De plus, certains journalistes, particulièrement s’ils étaient indépendants ou critiques ont passé des gardes à vue problématiques.

La seconde réponse du gouvernement a été ce qu’il a nommé le grand débat. Il est documenté qu’Emmanuel Macron a consulté Bernard Arnaud pour le conseiller sur ce mouvement. Il est vrai que cet homme, le plus riche de France, était certainement à même de comprendre les personnes ayant des fins de mois difficiles. À titre personnel je doute, mais tels fut le choix présidentiel. Cette réflexion aboutit à un questionnaire à choix multiples. Les questions et les réponses étaient largement orientées. La publicité à la participation à cette consultation ne commença que moins d’un mois de la fin de celles-ci. L’écoute, si elle a eu lieu pour la constitution du questionnaire n’a pas été celle attendue. Elle ,ne concernait pas les personnes qui manifestaient et était issue d’une idéologie totalement détachée du réel. Et les publications, propositions et oppositions n’ont pas écouté, car présentés comme forcément idéologiques.

La fin du mouvement fut marqué par l’affaire Benalla. Là encore, les révélations journalistiques, nombreuses et scandaleuses, n’ont pas eu les retombées judiciaires. J’en ai parlé à l’époque, et l’affaire reste totalement ubuesque. Un ancien garde du corps viré par Arnaud Montebourg auparavant, se retrouve à la tête d’une troupe de CRS . Après un jet d’un verre d’eau et d’un cendrier, il leur donne l’ordre qu’il n’a pas le droit de donner, usurpant un grade qu’il n’avait pas. Lors de la perquisition, arguant avoir perdu sa clés, il profite de la nuit pour faire disparaître un coffre-fort qui n’a jamais été cherché sérieusement. Ensuite, on le retrouve en dans plusieurs pays et On découvre qu’il est en possession de plusieurs passeports diplomatiques. Il rencontre entre autre l’intermédiaire trouble Ziad Takiedine. Et à ce jour, son procès, contrairement a celui des gilets jaunes qu’il a blessé, n’a pas été requis à ma connaissance. Une fois encore, le journalisme d’investigation a été ignoré.

Après l’affaire Paty, il aurait été souhaitable de créer une logique juridique qui protège tant les services publics en général et la liberté d’expression et donc la presse et les journalistes. Au contraire, entre le discours est les actes, les contradictions sont flagrantes. La surveillance des mouvements sociaux et l’impossibilité de documenter les actes des policiers reste un risque majeur pour le droit d’informer. La loi dite sécurité globale tend à interdire l’acte de filmer les forces de l’ordre. Les gardes-fous sont trop légers pour ne pas craindre des dérives dans les décrets et circulaires. Beaucoup de questions restent en suspens. Le devoir de se signaler aux préfets pour documenter les manifestations est une limitation grave de la possibilité d’informer. Puis les journalistes sans cartes de presse ou les simple citoyens risque d’avoir des problèmes avec la justice au nom de cette loi. L’ultime preuve du risque de cette loi est que la majorité des députés RN l’ont votée.

Le quinquennat, qui n’est pas encore fini, a donc été jusque là celui de la multiplication des risques pour informer sur les dérives de l’État et des entreprises. Ce dévoiement de la démocratie, constant depuis plusieurs années, s’est accéléré. Et la question se pose demain nous ne verrons pas, comme dans les pays les plus autoritaires, une presse systématiquement censurée et des journaliste soit au mieux tenus au silence par le portefeuille ou au pire en prison. La démocratie est un système imparfait et fragile, mais il reste un lieu ou toutes les idées doivent s’exprimer si elles n’appellent pas à la violence et où les faits désagréables aux puissants doivent pouvoir être rapportés.

25/11/2020

Fabien Micolod

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